Les enduits originaux (1740) fouettés à la branche de buis, avaient été recouverts début XXème par un enduit taloché mal accroché sur le précédent : il avait cloqué et disparu par plaques. Il fallait l’éliminer – mais dessous, dans quel état trouverait-on l’enduit ancien ? Faudrait-il l’éliminer à son tour pour refaire du neuf (à l’ancienne, bien sûr) ou bien en resterait-il assez pour le conserver, moyennant des réparations limitées ?
ERDF avait décroché les câbles électriques dès qu’on le leur avait demandé ; l’échafaudage avait été monté en une journée ; en quelques jours, Façade 34 avait décroûté avec soin par petits coups à la massette et au ciseau : ô bonheur ! Entre la génoise et le soubassement, l’enduit ancien subsistait, sur les 9/10èmes de la surface, non cloqué, bien accroché sur son support. La première réunion de chantier a permis à l’architecte du patrimoine de proposer à l’architecte des Bâtiments de France de conserver l’enduit ancien partout où il subsistait et de se limiter aux réparations nécessaires, ce qui fut décidé.
Plusieurs grandes fissures avaient zébré l’édifice, systématiquement au droit des ouvertures, et multipliées vers l’angle de la place de l’Eglise ; très faiblement ouvertes, elles ne témoignent que de tassements différentiels de l’ouvrage, vraisemblablement insuffisamment fondé. Le terrain, si l’on en juge par le puits de douze mètres dans la grande salle voûtée et par les travaux de confortement de la glacière, est porteur : on ne craint pas de mouvements importants. Comme il se doit, le maçon a ouvert ces fissures et les a soigneusement purgées. Pour limiter de nouveaux jeux éventuels, l’architecte a décidé de les faire agrafer en prenant soin de ne placer que des aciers inoxydables que la rouille ne saurait faire éclater.
Sur chaque ouverture, les clés de voûte avaient bougé, descendant parfois de plusieurs centimètres, cause ou conséquence des fissures. Les maçons les ont soigneusement remontées et calées en due position : les arcs sont ainsi redevenus bien circulaires. Lors de l’affaissement, la pierre avait parfois perdu quelques éclats : les maçons les ont ré-agrégés, avec goujonnage pour les plus importants afin d’éviter des décollements.

Ismail Alaoui, en scaphandre Effaçant les bavures
Tous les éléments de pierre de taille, encadrements des ouvertures et clocheton, en grès de Villeneuvette, ont été soigneusement nettoyés en douceur avec une hydro-gommeuse pour les débarrasser de peintures et de moisissures noires.
L’architecte avait demandé des échantillons d’enduit ; les maçons en ont fait une bonne dizaine pour régler la couleur et la structure de la surface, creusée par les traces des tiges et des petites feuilles du buis. Il leur a fallu réapprendre le geste ancien de l’enduit fouetté à la branche de buis. Non, Monsieur le Maire ! On n’a pas saccagé pour cela les buissons de buis de la cité : on est allé en chercher autant que de besoin sur les calcaires dévoniens de l’oued Agassou, car il ne s’en trouve guère sur les grès acides de Villeneuvette …
Quant au matériau utilisé, il fallait que ce soit le fameux « grésou », le sable dolomitique de Mourèze, qui fait le charme des enduits de Villeneuvette et qui est recommandé par le règlement de la ZPPAUP pour la réfection de nos façades. Moins dur et surtout moins rêche que le sable de rivière (du quartz roulé), ce carbonate est moins attaquable qu’un sable calcaire par les pluies acidifiées par le CO2 de l’atmosphère et résiste donc davantage à cette dissolution. Nous avions trouvé un site favorable à Salasc ; les propriétaires ont aimablement autorisé d’y prendre la quantité nécessaire. Mais la DIREN veillait : la protection du site du Salagou, de Mourèze et de leurs abords interdit les prélèvements incontrôlés. Nous avons cherché dans tout le voisinage d’autres sites, libres de réglementation, à Carlencas et jusqu’à Bédarieux ; il n’en manque pas ! In fine, appuyés par l’architecte et compte tenu d’une concertation avec la Mairie de Salasc, nous avons obtenu la dérogation nécessaire, pour un prélèvement limité et discret afin d’éviter une dénaturation du site par des utilisations « sauvages » répétées.
Les maçons ont donc pu refaire complètement l’enduit entre la toiture et la génoise et procéder aux réparations en dessous : fissures, trous d’accrochage des colliers des descentes d’eau (retirées en 1999), érosion au dessus du soubassement, blessures diverses. Un badigeon de la bonne teinte a homogénéisé l’ensemble autant que faire se peut.
Il fallait restaurer les décors : fausse chaîne d’angle, entourage des baies, bandeaux clairs sous la toiture et sous la génoise, bandeau médian. Ce dernier est présent sur toute l’église et sur toute la façade extérieure de la cité, à droite et à gauche du grand portail « Honneur au Travail ». En 1909, à la mort de Jules Maistre, qui avait dirigé la manufacture pendant un demi-siècle, le bandeau blanc avait été peint de noir, constituant une « litre » de deuil ; la reconstituer aurait donné une sévérité excessive à l’ensemble ; il fut décidé de n’en conserver que quelques témoins, pour l’histoire.
Grand débat sur les encadrements des fenêtres ! Le géologue voulait absolument laisser voir les belles pierres de grès de Villeneuvette. Des traces incontestables prouvaient qu’elles avaient été peintes au XVIIIème. L’architecte fut formel… et l’emporta !

Louis Nocca ressoudant la ferronnerie
Quant à l’élément de ferronnerie pour accrocher des tentures de deuil ou de fête à l’entrée latérale de l’église, il a été remis en forme et ressoudé par Louis Nocca, qui a fourni également la plaque perforée du soupirail de la crypte.

André Rodrigez peignant les petits bois des fenêtres
Restaient les fenêtres, dont les vitres étaient remplacées par de vilains plastiques : elles ont été refaites ou réparées, avec des vitrages incolores : des vitraux colorés eussent gêné la vision des intéressantes peintures murales. Notre employé municipal, André Rodriguez, en a repeint les petits bois de la couleur choisie par l’architecte et a traité les barraudages. On a jugé inutiles les grillages extérieurs, disgracieux.
Quant aux portes, les Amis de Villeneuvette les avaient fait restaurer en 2003. Le menuisier, Thierry Bessière, avait trouvé, dissimulé entre deux éléments de la porte principale, un Napoléon de bronze (5 centimes) de 1855 : il l’avait remplacé par un euro de 2000 ! Il fallait encore traiter le bois à l’huile de lin, ce fut fait par André Rodriguez.

Thierry Bessière : Ultime réparation du vitrage
Rappelons que ces travaux ont bénéficié de 80% d’aides publiques accordées par la Communauté de Communes (15 000 €), le Conseil Général (15 000 €) et la Région (10 000 €) ; les 20% restant à la charge de la municipalité ont été couverts par l’association « Sauvegarde de l’Art Français » : les Villeneuvétois leur sont reconnaissants de ce beau cadeau !
Rémy Bouteloup